Garde-corps à hauteur d’appui, le plus souvent à jour, qui couronnent les chéneaux à la chute des combles, qui sont disposés le long de galeries ou des terrasses élevées, pour garantir des chutes. On ne trouve pas de balustrades extérieures surmontant les corniches des édifices avant la période ogivale, par la raison que jusqu’à cette époque les combles ne versaient pas leurs eaux dans des chéneaux, mais les laissaient égoutter directement sur le sol. L’usage des balustrades n’était pas connu des romains ; on n'en voit aucun exemple dans les monuments de l’antiquité.
Mais il convient de diviser les balustrades : en balustrades intérieures, qui sont destinées à garnir le devant des galeries, des tribunes, et en balustrades extérieures, disposées sur les chéneaux des combles ou à l’extrémité des terrasses dallées des édifices.
Ce n’est guère que de 1220 à 1230 que l’on établit à l’extérieur des grands édifices une circulation facile, à tous les étages, au moyen de chéneaux ou de galeries, et que l’on sentit, par conséquent, la nécessité de parer au danger que présentaient ces coursières, étroites souvent, en les garnissant de balustrades; mais avant cette époque, dans les intérieurs des églises ou des grande-salles, on établissait des galeries, des tribunes, dont l’accès était public, et qu’il fallait par conséquent munir de garde-corps. Il est certain que ces garde-corps furent souvent, pendant l’époque romane, faits de bois ; lorsqu’ils étaient de pierre, c’étaient plutôt des murs d’appui que des balustrades. La tribune du porche de l’église abbatiale de Vézelay (porche dont la construction peut être comprise entre 1130 et 1132) est munie d’un mur d’appui que nous pouvons à la rigueur classer parmi les balustrades, ce mur d'appui étant décoré de grandes dents de scie qui lui donnent l'aspect d’un couronnement plus léger que le reste de la construction (fig. 1).
Tribune de la
basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay
Les galeries intérieures des deux pignons du transept de la même église, construit pendant les dernières années du XIIème siècle ou au commencement du XIIIème , possèdent de belles balustrades pleines ou bahuts décorés d’arcatures, sur lesquels sont posées les colonnettes de ce triforium. Nous donnons ci-contre (fig. 2) la balustrade de la galerie sud, dont le dessin produit un grand effet.
Mais on ne tarda pas, lorsque l’architecture prit des formes plus légères, à évider les balustrades; un reste des traditions romanes fit que l'on conserva pendant un certain temps les colonnettes avec chapiteaux dans leur composition. Les balustrades n'étaient que des arcatures à jour, construites au moyen de colonnettes ou petits piliers espacés, sur lesquels venait poser une assise évidée par des arcs en tiers-point. Les restes du triforium primitif de la nef de la cathédrale de Rouen (1220 à 1230) présentent à l'intérieur une balustrade ainsi combinée, se reliant aux colonnes portant la grande arcature formant galerie, afin d'offrir une plus grande résistance (fig. 3).
Balustrade, cathédrale de Rouen, XIIIème Siècle
On concevra facilement, en effet, qu'une claire-voie reposant sur des points d'appui aussi grêles ne pouvait se maintenir sur une grande longueur, sans quelques renforts qui pussent lui donner de la rigidité. Mais c'est surtout à l’extérieur des monuments que les ba¬lustrades jouent un rôle important à partir du XIIIème siècle. C'’est à dater du commencement de ce siècle que l'on établit des chéneaux et des galeries de circulation à tous les otages. Les balustrades exécutées pendant cette période présentent une extrême variété de formes et de construction. La nature de la pierre résistant, mais d’un grain fin et faciles à tailler, les balustrades sont légères, larges, les pleins plus épais. Leur dimension est également soumise aux dimensions des matériaux, car on renonça bientôt aux balustrades composées de plusieurs morceaux de pierre placés les uns sur les autres, comme n’offrant pas assez d’assiette, et on les évida dans une dalle posée en délit.
En Normandie, en Champagne, où la pierre ne s’extrait généralement qu’en morceaux d’une petite dimension, les balustrades sont basses et n’atteignent pas la hauteur d’appui (1 mètre environ). Dans les parties de la Bourgogne où la pierre est très-dure, difficile à tailler, et ne s’extrait pas aisément en bancs minces, les balustrades sont rares et n’apparaissent que fort tard, lorsque l’architecture imposa les formes qu’elle avait adoptées dans Je domaine royal, à toutes les provinces environnantes; c’est-à-dire vers la fin du XIIIème siècle. Les bassins de la Seine et de l’Oise offraient aux constructeurs des qualités de matériaux très propres à faire des balustrades; aussi est-ce dans ces contrées qu’on trouve des exemples variés de cette partie importante de la décoration des édifices. Comme l’usage de scier les bancs en lames minces n’était pas pratiqué au XIIIème siècle, il fallait trouver dans les carrières des bancs naturellement assez peu épais pour permettre d’exécuter des claires-voies légères. Le cliquart de Paris, le liais de l’Oise, certaines pierres de Tonnerre et de Vernon, qui pouvaient s’extraire en bancs de 15 à 20cm d’épaisseur, se prêtaient merveilleusement à l’exécution des balustrades construites en grands morceaux de pierre posés de champ et évidés.
Partout ailleurs les architectes s’ingénièrent à trouver un appareil combiné de manière à suppléer à l’insuffisance des matériaux qu’ils possédaient, el ces appareils ont eu, comme on doit le penser, une grande influence sur les formes adoptées. Il en est des balustrades comme des meneaux de fenêtres, comme de toutes les parties délicates de l’architecture ogivale des XIIIème et XIVème siècles : la nature de la pierre commande la forme jusqu’à un certain point, ou du moins la modifie.
Ce n’est donc qu’avec circonspection que l’on doit étudier ces variétés, qui ne peuvent indifféremment s’appliquer aux diverses provinces dans lesquelles l’architecture ogivale s’est développée. Dans l’Ile-de-France, une des plus anciennes balustrades que nous con¬naissions est celle qui couronne la galerie des Rois de la façade occidentale de la cathédrale de Paris : elle appartient aux premières années du XIIIème siècle (1210 à 1220), comme toute la partie inférieure de cette façade (fig. 4). Avant la restauration du portail, cette balustrade n’existait plus qu’au droit des deux contreforts extrêmes, ainsi qu’on peut s’en assurer ; elle est construite en plusieurs morceaux, au moins dans la partie à jour, et se compose d'une assise portant les bases, de colonnettes posées en délit avec renfort par derrière, et d’une assise de couronnement évidée en arcatures décorées de fleurettes en pointes de diamant. Il existe encore sur les galeries intermédiaires des tours du portail de la Calende, à la cathédrale de Rouen, une balustrade du commencement du XIIIème siècle, de même construite par morceaux superposés (fig.5). Ici les colonnettes reposent directement sur le larmier de la corniche formant passage, et laissent entre elles Rouen, une balustrade du commencement du xme siècle, de même con struite par morceaux superposés (fig. 5). Ici les colonnetles reposent directiement sur le larmier delà corniche formant passage, et laissent entre elles les eaux s’écouler naturellement sans chenal Ce n’est guère que vers 1230 que l’on établit des chéneaux conduisant les eaux dans des gargouilles : jusqu’alors les eaux s’égouttaient sur le larmier des corniches, comme à la cathédrale de Chartres, à la chute des grands combles. Mais ces balustrades, composées de petits piliers ou colonnettes isolées et scellées sur le larmier, conservaient difficilement leur aplomb. Les constructeurs avaient tenté quelquefois de les réunir à leur base au moyen d'une assise continue évidée par-dessous pour l’écoulement des eaux, ainsi qu’on peut le voir à la base du haut chœur nord de la cathédrale de Chartres (fig. 6) ; mais ce moyen ne faisait que rendre le quillage plus dangereux en multipliant les lits, et ne donnait pas à ces claires-voies la rigidité nécessaire pour éviter le bouclement.
On du renoncer bientôt aux colonnettes ou petits piliers isolés réunis seulement par l’assise supérieure continue, et l’on se décida à prendre les balustrades dans un seul morceau de pierre : dès lors les colonnettes avec chapiteaux n’avaient pas de raison d’être, car, au lieu d’une arcature construite, il s’agissait simplement de dresser des dalles percées d’ajours affectant des formes qui ne convenaient pas à des assises superposées. C’est ainsi que le sens droit, l’esprit logique qui dirigeait les architectes de ces époques, leur commandaient de changer les formes des détails comme de l’ensemble de leur architecture, à mesure qu’ils modifiaient les moyens de construction. Dans les balustrades construites, c’est-à-dire composées de points d’appui isolés et d’une assise de couronnement, on remarquera que la partie supérieure des balustrades est, comparativement aux points d’appui, très-volumineuse; il était nécessaire en effet de charger beaucoup ces points d’appui isolés pour les maintenir dans leur aplomb.
Quand les balustrades furent prises dans un seul morceau de pierre, au contraire; on donna de la force, du pied à leur partie inférieure, et de la légèreté à leur partie supérieure, car on n’avait plus à craindre alors les déversements causés par la multi¬plicité des lits horizontaux. Les balustrades des grandes galeries de la façade et du sommet des deux tours de la cathédrale de Paris sont taillées conformément à ce principe (fig7). Leur pied s’empatte vigoureusement et prolonge le glacis de la corniche. Un ajour en quatrefeuilles donne une décoration continue qui n’indique plus de point d’appui séparés, mais gui laisse bien voir que cette décoration est découpée dans un seul morceau de pierre ; un appui saillant, ménagé dans l’épaisseur de la pierre, sert de larmier et préserve la claire-voie.
Aux angles, la balustrade de la grande galerie est renforcée par des parties pleines ornées de gros crochets saillants et de figures d’animaux, qui viennent rompre la monotonie de la ligne horizontale de l’appui La balustrade extérieure du triforium de la môme église, plus légère parce qu’elle couronne un ouvrage de moindre importance, est encore munie de l’empattement inférieur nécessaire à la solidité. Cet empattement, pour éviter les dérangements, est posé en feuillure dans l’assise du larmier (fig. 8).